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Les difficultés rencontrées par les petits commerçants

QUESTION ORALE DE M. FONTAINE À M. BORSUS, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DU COMMERCE EXTÉRIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION, DU NUMÉRIQUE, DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DE L’AGRICULTURE, DE L’IFAPME ET DES CENTRES DE COMPÉTENCES, SUR « LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES PETITS COMMERÇANTS »

Monsieur le Ministre, la puissance des géants de l’e-commerce, les changements de comportements des consommateurs et la pression immobilière contraignent de plus en plus de commerçants indépendants à fermer boutique. Dans les villes wallonnes, le journal L’Écho nous rapportait récemment qu’un espace commercial sur cinq est vide.

Cette désertification est en croissance régulière. En 2013, 16,3 % seulement des cellules commerciales étaient vides, un taux passé à 18,2 % en 2016 et ce phénomène concerne les trois Régions du pays.

En Wallonie, cette tendance s’est même fortement amplifiée en 2018, avec une perte de 622 magasins et les chiffres de 2019 vont dans le même sens. En août dernier, 475 magasins ont déjà mis la clé sous la porte, précisait la présidente du Syndicat neutre indépendant. L’explication la plus évidente est la progression inexorable du commerce en ligne, mais certains incriminent aussi la pression croissante exercée par les promoteurs immobiliers. En Wallonie, les loyers de certaines surfaces peuvent ainsi atteindre 1200 euros le mètre carré dans les rues du centre de Namur et même près de 1500euros à Liège. De quoi faire fuir l’ensemble de petits indépendants ou petits commerçants. La DPR prévoit bien entendu des mesures pour lutter contre ce phénomène.

Je pense à la réalisation d’un cadastre des rues au sein desquelles le pourcentage de cellules vides est important et d’un appel à projets avec l’objectif de remplir ces cellules vides.

Ce cadastre est-il déjà lancé? Dans quel délai comptez-vous lancer ces appels à projets ? Ce sont mes deux premières questions.

Il existait des aides de la Région wallonne qui avaient été mises en place pendant un certain temps ; je pense notamment aux agences de développement local qui, faute de subventionnement, ne peuvent être mises en place par les villes et les communes. Elles apportent pourtant une aide non négligeable et offrent des moyens de communication et de visibilité.

Quelle est votre position sur le moratoire vécu par les ADL ? Des aides pourront-elles à nouveau être mises en place ? Certaines communes apportent aussi une aide aux commerçants – subsides pour ouverture d’une nouvelle cellule, par exemple –, mais elle reste substantielle.

Réponse du Ministre Borsus

Ministre de l’Économie, du Commerce extérieur, de la Recherche et de l’Innovation, du Numérique, de l’Aménagement du territoire, de l’Agriculture, de l’IFAPME et des Centres de compétences. – Monsieur le Député, j’ai effectivement pris connaissance des chiffres évoqués dans la presse du week-end dernier ; ceux-ci sont particulièrement interpellants. Ils correspondent d’ailleurs à ce que nous observons dans certains nombres ou la plupart des villes, les grandes villes, les villes moyennes ou plus petites sur notre territoire wallon. C’est donc une problématique très importante que vous évoquez aujourd’hui.

Symptôme de cela : la question des cellules vides et surtout du lent déclin commercial des centres-ville est un élément majeur à la fois de la réflexion des négociateurs de l’accord du Gouvernement mais aussi de mes objectifs d’action.

Pour remédier à la situation, j’ai l’intention de lancer très rapidement un plan dans lequel viendra s’articuler une série de mesures visant à répondre à la problématique de la désertification des centres urbains, plus particulièrement dans le contexte de leur dimension commerciale.

Ce plan appelé « objectif proximité », nous sommes en train de le préparer et j’aurai l’occasion de l’alimenter également des réflexions que les acteurs : qu’ils soient représentatifs des commerçants, des classes moyennes en général, des structures représentatives des centres- villes, des échevinats de commerce pourront me faire parvenir dans le cadre d’une réunion générale et d’un certain nombre de groupes de travail que je compte tenir au début du mois de décembre prochain.

Concrètement, on le sait, des structures sont aujourd’hui déjà actives. Vous en avez mentionné certaines d’entre elles dans le contexte de l’appui aux centres-ville. Il y a bien sûr la direction des implantations commerciales au sein des services de la Région wallonne. Il y a les cellules de gestion de centre- ville, il y a les ADL, il y a les initiatives prises par les associations représentatives des commerçants, des indépendants plus des initiatives prises à différents endroits par les villes.

Concernant plus particulièrement la direction des implantations commerciales, elle dispose aujourd’hui de quatre leviers.

D’une part, il y a les éléments régulatoires, c’est-à- dire concrètement, les autorisations d’implantation commerciale puisque celles-ci font l’objet de dispositifs d’autorisation de permis, et cetera.

Deuxième élément, le soutien financier via des appels à projets. Les appels à projets qui portent le nom de Créashop et de Créashop+. Créashop visait initialement – c’est un dispositif de 2017 – 16 villes participantes. Il y avait 93 dossiers qui avaient été acceptés pour un budget de l’ordre de 558 000 euros. C’est un dispositif qui vise à soutenir des initiatives ayant un caractère innovant pour animer des cellules de centre-ville et des actions qui procèdent de l’objectif que vous avez mentionné. Ce dispositif sous le nom de Créashop+ a été prolongé et élargi en 2019 à 39 communes supplémentaires considérées comme centre, dans une définition au départ des sous-bassins ou des bassins d’achat, de consommation de produits courants, de produits alimentaires, dans le cadre du SRDC, avec un montant complémentaire de 1,5 million d’euros prévus pour une période de trois ans.

Par ailleurs, on sait aussi que le mécanisme des indemnités compensatoires en cas de travaux sur la voie publique a été mis en œuvre – je dirais « réactivé » – depuis le 1er septembre 2019.

Enfin, le quatrième point renvoie à la collaboration avec les gestions de cellules de gestion de centre-ville. Les acteurs locaux que sont les ADL ou les cellules de gestion de centre-ville ont elles-mêmes développé une série d’actions de terrain, notamment pour soutenir l’animation commerciale, pour accélérer la location des commerces vides, entre autres actions.

Afin de lutter contre le phénomène des cellules vides, il convient aussi de relancer la dynamique pour accueillir de nouvelles activités, des activités diversifiées, pas uniquement les mêmes magasins des mêmes chaînes sur l’ensemble du territoire, d’avoir des dispositifs qui sont créatifs, articulés sur les indépendants, les artisans qui sont innovants, qui sont attirants de manière à recréer un effet boule de neige positif, contrairement à l’effet boule de neige négatif – si vous me permettez l’expression – que j’observe aujourd’hui.

C’est l’objet de la DPR qui prévoit effectivement un appel à projets afin d’offrir à des porteurs de projets d’initiatives commerciales innovantes, le bénéfice d’une surface commerciale à un prix intéressant, d’une aide pour tester ou donner vie à un nouveau concept et surtout un coaching pour la gestion du commerce dans les premiers mois.

J’observe beaucoup d’initiatives, mais qui meurent après quelques mois, faute de robustesse du plan d’affaires ou faute de viabilité économique, créant, vous l’imaginez bien, des difficultés, parfois des difficultés majeures, pour les porteurs de ces projets.

J’ai aussi demandé à la SOWALFIN de jouer un rôle central avec la SOWACCESS dans le cadre de la transmission du commerce. En effet, beaucoup de commerces cherchent un repreneur – à défaut, les commerces ferment – un repreneur qui soit lui-même suffisamment solide dans son projet, dans la réflexion de celui-ci. En complément, un travail sera mené par la SOWALFIN et la SOWACCESS concernant la transmission.

Je vais également évaluer les éléments de la législation-cadre pour réaliser la mixité commerciale, notamment en évoquant les régies commerciales, lespop-up stores et les éléments que la DPR prévoit.

À ce stade, nous sommes dans l’inventaire d’un certain nombre de mesures, nous en avons déjà lancé, avec l’opérationnalisation de la réflexion concernant quelques-unes d’entre elles. J’y ajoute également le lien avec l’e-commerce et avec les plateformes de commerce à dimension locale ou supralocale.

Je veux vraiment mettre l’e-commerce aussi au service du commerce de proximité. C’est un challenge qui est très compliqué puisque, actuellement, l’e- commerce vide, par tranches entières, l’activité commerciale classique, notamment avec des situations où les gens viennent, à l’occasion, voir les produits et puis les achètent en ligne ou, parfois, les achètent en ligne tout court sans le moindre contact avec le commerce physique.

J’y ajoute les éléments d’ADL à propos desquels je souhaite aussi – et j’entends votre appel – réfléchir quant à leur agrément quant au moratoire qui est aujourd’hui constaté depuis plusieurs années.

Je suis au bout de mon temps imparti, je pense, Madame la Présidente, mais ceci mériterait très certainement une longue interpellation. Ce n’est pas le rôle du ministre d’appeler à un parlementaire à l’interpeller, mais je suis vraiment à votre écoute si vous deviez décider d’agir ainsi, tant le sujet est important, il me passionne, il concerne vraiment l’avenir de tout notre territoire à travers nos villes, les centres urbains ou les petits centres, en ce compris de villages un peu plus importants. C’est un peu de notre vie sociale et sociétale dont il est question, mais aussi, évidemment, du gain et de la possibilité de poursuivre leur travail pour un pan entier de nos indépendants, nos commerçants et des gens qui travaillent dans ces structures.

Réplique d’Eddy

Monsieur le Ministre, je vous remercie pour cette réponse très fouillée.

Effectivement, elle a pris un peu plus de temps, mais, moi, je bois vos paroles. Vous donnez l’impression, et j’en suis convaincu, que vous êtes impliqué dans ce dossier et pour la revalorisation des petits commerces dans notre belle Wallonie, dans les villes et les petites villes – parce que je viens d’une petite ville où le problème est criant. Je ne manquerai pas de vous interpeller, puisque vous me l’avez suggéré si gentiment, afin que l’on puisse en débattre un peu plus.

Je vois également que vous mettez des choses en place et que vous ne traînez pas puisque vous venez de préciser que les acteurs seraient consultés à partir de début décembre. Je pourrais essayer d’être de la partie, si vous m’y autorisez.