Intervention sur l’avortement
Séance plénière du 29 mars 2017 – Débat thématique sur les propos tenus par un professeur à l’UCL relativement à l’avortement
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers collègues,
C’est avec stupéfaction que nous prenions connaissance la semaine dernière de l’extrait d’un texte livré comme contenu d’un cours de philosophie à des étudiants en 1ère BAC à l’UCL. Un texte de 15 pages intitulé « La philosophie pour la vie, Contre un prétendu ’droit de choisir’ l’avortement ».
Des propos pour le moins engagés contre l’avortement, un véritable plaidoyer puisqu’on peut très explicitement y lire des propos assimilant l’avortement au « meurtre d’une personne innocente »ou des comparaisons du degré de gravité entre le viol et l’avortement. Des extraits pour le moins engagés et consternants que je souhaite vous livrer.
Extraits :
- ° « Si vous pensez qu’on n’est pas une personne tant que tout n’est pas bien en place, ce n’est pas l’avortement à douze, quinze ou vingt semaines que vous devez défendre, mais l’infanticide et le meurtre au moins jusqu’à la puberté. […] »
2° « Si l’avortement est un meurtre, comme on l’a dit, n’est-il pas encore plus grave que le viol ? Le viol est immoral, et heureusement il est aussi illégal. L’avortement, qui est encore plus immoral, ne devrait-il pas, à plus forte raison encore, être illégal lui aussi ? »
- ° « L’avortement, (…) un meurtre remboursé par la mutuelle »
Il apparait que Monsieur Stéphane Mercier, par ailleurs professeur au Séminaire de Namur depuis 2015, donnait ce cours pour la première fois.
Dans un communiqué, l’UCL n’a pas tardé à se distancier de tels propos. L’Université a rappelé que le droit à l’avortement est inscrit dans le droit belge et que la note de cours dont question est en contradiction avec les valeurs portées par l’université. L’Université catholique précise que « dans l’esprit de la loi dépénalisant l’avortement en 1990, elle respecte l’autonomie des femmes à poser ce choix, dans les circonstances précisées par le législateur ». Aussi, après avoir entendu le principal concerné, de manière à préciser la nature de cet écrit, elle a décidé de suspendre les cours dont il a la charge et d’entamer une procédure disciplinaire à son encontre.
Au-delà de l’évènement qui concerne ce professeur dans cette université catholique, c’est tout le débat plus général sur la remise en question du droit à l’avortement qui inquiète. Le cas précis fait partie de la remise en question plus large d’un droit encore relativement jeune et fragile. Il nous rappelle que décidément, la vigilance reste de mise pour ne pas voir bafoués ce que l’on pourrait considérer comme des acquis. A côté de cela, au fédéral, il semblerait qu’une majorité alternative puisse se dégager pour sortir définitivement l’avortement du code pénal. Cette revendication exprimée de longue date par le secteur associatif semble aujourd’hui être rejointe par certains partis de la majorité, plus progressistes, n’en déplaise à l’aile catholique conservatrice du gouvernement.
En effet, nombreuses sont les attaques qui sont faites envers ce droit et plus généralement envers celui des femmes à disposer de leur corps ! En Europe, des menaces graves sur le droit des femmes à avorter au sein des pays de l’Europe l’Est ou encore en Italie ou en Espagne se répètent et rappelons qu’elles ont commencé par une multiplication de discours Pro-vie en divers lieux et ce sont transformé en plaidoyer pour le droit des êtres humains pas encore nés ou en initiative législative en faveur d’un statut juridique du fœtus.
Ce ne sont ni plus ni moins que des attaques aux droits des femmes et un risque de voir celles-ci mettre en péril leur santé en ayant recours à des moyens clandestins et dangereux. Encore ce matin, on pouvait entendre sur la Première que près de 40.000 femmes dans le monde perdent la vie chaque année et laissent autant d’enfants orphelins.
Par ailleurs, nous avons pu apprendre que Monsieur Mercier ne s’était pas limité aux propos anti-avortement mais qu’il aurait aussi tenu des propos homophobes et transphobes. En effet, dans la foulée de la polémique sur les propos anti-avortement tenus en cours, 11 étudiants ont rédigé une lettre dénonçant les propos de leur professeur le 16 mars dernier, lors duquel il aurait non seulement comparé l’homosexualité à l’inceste mais se serait aussi permis de remettre en cause le mariage pour tous « au nom d’une critique philosophique de l’idéologie du genre ». Si ces faits étaient avérés plus que des sanctions disciplinaires c’est d’infraction à la loi de lutte contre les discriminations raciales et de genre que se verraient exposé Monsieur Mercier.
Si on ne peut que féliciter et soutenir ces étudiants d’avoir réagi à ce type de discours, on ne peut que se sentir profondément heurté et choqué de la tenue de tels propos par un professeur, de surcroit dans le cadre d’un cours universitaire supposé former nos jeunes. Par ailleurs, lorsque l’on entend certaines déclarations, telles que celles encore récemment tenues dans la presse et sur les plateaux de télé par de pseudo-experts, on a envie de réaffirmer que l’université doit continuer à mettre au cœur de son action le développement de l’esprit critique de nos jeunes. Enseigner cet esprit critique, ce n’est pas jouer sur les peurs mais contribuer, au travers de la contradiction, à instaurer un climat favorable à l’épanouissement intellectuel de chacun, à l’aider à prendre position sur base d’une conception non idéologique et la plus scientifiquement posée.
Dans les colonnes du journal Le Soir, Rik Torfs, recteur de la KUL, déclare que « l’université est la pierre angulaire du renouvellement des idées, un climat de liberté doit y être maintenu à tout prix ». Il invite à ne pas céder à l’émotion directe induite par le débat. Du côté de l’Université de Liège, les propos sont différents, le recteur Albert Corhay tient quant à lui à réaffirmer que la liberté académique et de recherche, si elles constituent des piliers, n’autorisent pas tout.
La liberté académique. Voici donc un principe qui se retrouve, bien malgré lui, également au centre du débat. Faut-il l’encadrer ? La restreindre ? L’assurer à tout prix ? Quelles sont ses balises, ses limites nécessaires et acceptables ? Autant de questions que l’on est en droit se se poser
Dans les colonnes de L’Avenir, Monsieur Mercier a confirmé sa volonté de faire connaître aux étudiants le point de vue contre le droit à l’avortement car, estime-t-il, ils baigneraient dans une position ‘pro-avortement’ largement entendue. Cette perception, subjective, de la réalité a sans doute donné au professeur invité l’envie de porter la « bonne parole ».
Il n’empêche, de manière générale, le sujet suscite le malaise dans et hors les murs de l’Université. L’ancien vice-recteur et prêtre Gabriel Ringlet a cru bon de rappeler la volonté d’ouverture de l’UCL. Il n’empêche, les positions défendues par Monsieur Mercier sont assez similaires à celles de l’Eglise catholique, ce qui ramène à notre bon souvenir l’appel « ULouvain » qui visait à supprimer la référence chrétienne de l’UCL.
Mes questions sont les suivantes :
- Monsieur le Ministre Marcourt,
1° À ce jour, quel point peut-on faire sur ce dossier ?
2° Dans quelle mesure êtes-vous ou non associé à la sanction que pourrait prendre l’UCL ?
3° Que peut-il advenir de Monsieur Mercier, en tant que professeur, qui aurait par ailleurs également tenu des discours homophobes ?
4° Quelle est dans cette configuration la responsabilité de l’UCL ?
5° Ressentez-vous que le cas précis relance un débat plus large, de fond, sur la liberté académique ?
6° Enfin, avez-vous perçu une quelconque volonté de remettre sur le métier la référence chrétienne dans la dénomination de l’UCL ?
- Madame la Ministre Simonis,
1° En complément des informations de votre collègue, quelles actions peuvent être envisagées pour éviter que de tels incidents ne se reproduisent et pour s’assurer au sein de nos universités d’une information neutre, objective, responsable et dénuée de toute culpabilisation sur la sexualité ?
2° Par ailleurs, concernant les propos transphobes et homophobes s’ils étaient confirmés quelles actions peuvent être envisagées?
Je vous remercie pour vos réponses.
Eddy FONTAINE