L’avenir de l’agriculture wallonne
INTERPELLATION DE M. FONTAINE À M. BORSUS, MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DU COMMERCE EXTÉRIEUR, DE LA RECHERCHE ET DE L’INNOVATION, DU NUMÉRIQUE, DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, DE L’AGRICULTURE, DE L’IFAPME ET DES CENTRES DE COMPÉTENCES, SUR « L’AVENIR DE L’AGRICULTURE WALLONNE »
Comme annoncé à la faveur de la dernière séance de questions d’actualité, notre groupe revient en commission pour faire le point avec vous sur les enjeux à venir pour l’agriculture wallonne.
C’est d’autant plus utile qu’après avoir posé une série de balises à la faveur d’un interview à Vers L’Avenir, vous détaillez votre vision dans La Libre de ce 15 octobre.
Mon préambule pourrait être ma conclusion. Nous partageons vos constats et votre diagnostic tant sur la situation générale de l’agriculture avec son déficit d’image, les crises qui la traversent, que sur le manque de revenu des agriculteurs.
Vous voulez être le sauveur de l’agriculture wallonne, cette ambition vous honore, mais cette ambition a un corollaire : la méthode pour y arriver.
En effet, les constats que vous posez, tous les acteurs du secteur – qu’ils soient agriculteurs, associations professionnelles, politiques, fournisseurs de services aux agriculteurs – les posent depuis plus de 15 ans. Pourtant, malgré cela, l’agriculture européenne en général et wallonne, en particulier, est malade. Ce qui est différent aujourd’hui, c’est que c’est la question de la survie de l’agriculture qui est posée.
Certes, nos sociétés s’organiseront toujours pour produire de la nourriture, mais la question de savoir si ce sont les agriculteurs qui effectueront cette tâche va se poser à plus ou moins brève échéance.
Je ne vous ferai pas l’injure de rappeler la situation des agriculteurs wallons, que vous connaissez même très bien, mais je me permettrai de revenir sur quelques indicateurs pour que celles et ceux qui suivent nos travaux aient conscience de la situation réelle.
Les tendances lourdes sont les suivantes :
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- en 36 ans, de 1980 à 2016, le pays a perdu 68 % de ses exploitations. En Wallonie, on est passé de37 843 à 12 950 exploitations ;
- le rythme de disparition a été le même en Flandreet en Wallonie, -3,2 % par an en moyenne ;
- la superficie moyenne par exploitation a triplé ;
- le secteur a perdu 60 % du nombre de travailleursoccupés aux activités agricoles, ceci entre 1980 et2013 ;
- la diminution des revenus nets des agriculteurs ;
- les charges toujours plus élevées ;
- le vieillissement de la population agricole ;
- l’augmentation du taux d’endettement des familles d’agriculteurs et de la précarité de celles- ci.
Alors que ces tendances lourdes sont connues, comment entendez-vous réussir là où vos prédécesseurs ont échoué ?
En effet, je pense que, comme vous, ils avaient dressé les mêmes constats, mais aucun n’a réussi à inverser ces tendances. Il n’est pas dans mes intentions de faire le procès des uns ou des autres parce que je pense qu’ils ont tous essayé et que leurs démarches étaient sincères, mais en quoi votre démarche est-elle différente, Monsieur le Ministre ? Quelles ruptures entendez-vous porter pour inverser ces tendances qui dépassent l’agriculture wallonne pour toucher l’ensemble de l’agriculture européenne ?
Nous l’identifions tous, votre premier et vraisemblablement plus gros chantier de la législature sera la transposition en droit wallon des orientations de la Politique agricole commune. Pour le revenu des agriculteurs, c’est l’enjeu numéro un.
Avez-vous pu prendre connaissance de l’audition du candidat pressenti pour occuper le poste de commissaire à l’Agriculture ? Le cas échéant, pouvez-vous partager avec nous votre analyse ?
L’installation de la Commission prend du retard, et donc, la nouvelle PAC aussi. C’était déjà le cas lors de la dernière programmation qui avait été décalée d’un an. Ici, avec les risques inhérents au Brexit, un tel report égal semble difficile. Qu’en est-il ?
Au niveau du budget de cette programmation, on est resté avec la proposition initiale de la Commission européenne qui estimait la diminution budgétaire en ce qui concerne la PAC pour notre Région à 175 millions d’euros, soit une baisse de 8 % en prix courant, c’est-à- dire sans tenir compte de l’inflation. À prix constant, cette baisse pourrait atteindre 450 millions d’euros, soit une baisse de 20 %. C’est énorme et, compte tenu des deux incertitudes précitées, nous ne serons pas apaisés rapidement.
Après la PAC, il conviendra de redorer l’image de l’agriculture.
En effet, au mieux les agriculteurs sont vus comme ceux qui entretiennent les paysages, au pire, ils sont vus comme des empoisonneurs pollueurs et, qui plus est, comme responsables des dérèglements climatiques. Ce déficit d’image, je pense qu’il vient surtout d’une méconnaissance profonde de ce qu’est le métier d’agriculteur, des contraintes qu’impose le métier en termes de charge de travail et d’horaires, mais également des contraintes administratives qui leur sont imposées par les gouvernements.
Comment entendez-vous vous y prendre pour redorer l’image de l’agriculture et de l’agriculteur en Wallonie ? En quoi votre stratégie sera-t-elle différente de celle de vos prédécesseurs, MM. Collin, Di Antonio ou Lutgen ? En quoi sera-t-elle plus efficace ?
En matière d’agriculture, la DPR innove au moins sur deux points :
– la création d’un mécanisme assurantiel en cas de perte de revenus ;
– comme vous l’avez indiqué lors de la séance plénière du 9 octobre dernier, la transition vers une agriculture plus respectueuse de l’environnement et l’agroécologie.
Concernant le mécanisme assurantiel en cas de crise, vous indiquiez dans la presse : « L’idée, c’est de couvrir certains risques climatiques, de production, sanitaires et de marché. Les questions subsidiaires sont : le dispositif va-t-il s’appliquer à tout le monde ou sur base volontaire ; qui paie les primes d’assurance, l’agriculteur en totalité ou bien une partie des budgets de la PAC soutiendrait ce dispositif et quels sont les ajustements du modèle (couvrir le risque tout ou en partie, couvrir ou pas certains risques, et cetera ? »
Ces questions sont vraiment centrales pour appréhender le périmètre de ce mécanisme et le rôle de chacun. Quelles orientations entendez-vous défendre en la matière ?
Concernant la transition vers l’agroécologie, je ne puis que répéter ce que vous avez répondu à M. Courard lors des questions d’actualité de la dernière séance : « la transition vers l’agroécologie, les ceintures alimentaires, les 30 % à atteindre rapidement de production bio et d’autres dispositions de cette nature figurent en lettres d’or dans notre Déclaration de politique régionale ». Quelles stratégies mettre en œuvre pour atteindre ces objectifs ?
À la faveur de ce premier échange d’importance sur l’avenir de l’agriculture wallonne, je ne saurais pas être exhaustif, mais je voudrais encore faire le point sur deux thèmes qui tiennent particulièrement à cœur de mon groupe : l’organisation du secteur et la précarité des familles d’agriculteurs.
Concernant l’organisation du secteur, comment envisagez-vous vos relations avec les organisations professionnelles agricoles ? Quelle place entendez-vous donner à la FWA, à la FUGEA, mais aussi au Collège des producteurs dans la redéfinition de l’agriculture wallonne ?
Les questions des coopératives doivent être posées. En effet, si ce modèle ne peut répondre aux difficultés et à l’isolement que rencontrent certains agriculteurs, force est de constater que ce modèle ne constitue pas une panacée. En effet, Lactalis est initialement une coopérative. Or, à force d’ingénierie, les coopérants ont petit à petit perdu le pouvoir décisionnel au sein de ce qui est devenu une véritable multinationale.
Enfin, vous avez été ministre fédéral de l’Intégration sociale. À ce titre, mais aussi comme connaisseur du monde rural wallon, vous savez combien il peut être difficile pour les familles d’agriculteurs de s’en sortir. Ni les procédures de médiation de dettes ni les mécanismes visant à soutenir les entreprises en difficulté ne sont adaptés au monde agricole. Si vous voulez être le sauveur de l’agriculture wallonne, vous devrez également être le sauveur de la dignité des agriculteurs, des agricultrices et de leur famille.
Alors, si nous partageons vos constats, nous attendons de connaître votre méthode.
[…]
Réponse du Ministre Borsus
Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite d’abord vous remercier pour l’ensemble de ces questions qui, vraiment, témoignent de l’engagement de notre Parlement de Wallonie au bénéfice de tous celles et ceux qui font vivre la terre, qui y consacrent une bonne part de leur vie, qui prennent en charge l’alimentation humaine et donc jouent un rôle essentiel dans notre société. Deuxièmement, vous me permettrez de prendre mes distances par rapport aux propos de Madame Goffinet, un peu « détonnants », je dois le dire, qui utilisaient le terme « capituler ». On n’a pas dû se voir très souvent ces derniers mois pour imaginer pouvoir m’accoler ce terme-là et, d’autre part, je me suis bien gardé de faire le procès du passé. Faire l’éloge du passé me semble aussi audacieux, semble-t-il.
Ne pas voir aujourd’hui que le secteur agricole est un secteur en souffrance, que tout irait donc à peu près bien suivant la thèse de Mme Goffinet, c’est avoir une connaissance absolument lointaine du secteur. J’en suis désolé pour le secteur, mais je n’entrerai pas dans la polémique.
Il y a deux attitudes quand on est ministre, il y a faire beaucoup de bruit dans les médias et des déclarations matamoresques qui ne sont en général hélas pas suivies d’effet et puis, il y a tenter pas à pas de construire une position, d’aller négocier avec nos collègues du nord du pays qui n’ont pas toujours, vous le savez, en matière agricole, le même positionnement que nous, et puis il y a aller se battre, positivement s’entend, avec les instances européennes, mobiliser un certain nombre d’autres pays pour avoir un front qui est suffisamment dense et puis tenter de faire avancer les choses.
J’ai choisi de ne pas faire une déclaration forte qui n’apportera rien, hélas, dans aucune des fermes de Wallonie ou de quelque région que ce soit de Wallonie. En matière de PAC, je pense que les gens attendent. Vous savez, on ne trompe pas les gens de la terre. Les gens ont vite compris quand les déclarations sont suivies d’actes ou ne sont pas suivies d’effet, par exemple.
Ne comptez pas sur moi. Si cela devait être le cas, Madame la Présidente, n’hésitez pas à me confier cela à l’oreille, chers collègues de la commission, à me le dire. Ne comptez pas sur moi pour m’engager dans des déclarations tonitruantes. Par contre, les fermiers, les agriculteurs, les producteurs attendent beaucoup de nous en Région wallonne. Ils attendent beaucoup de nous parce que, vraiment, ils sont en questionnement, en doute, en souffrance, à la fois par rapport au sens de leur métier, au regard que la société porte sur eux et aussi bien sûr par rapport à leur situation en termes de revenus, tant il est vrai que qui peut plaider que l’on puisse continuer à travailler dans certaines des filières agricoles tout au long de la semaine, tout au long du mois, tout au long de l’année pour avoir perdu de l’argent ?
Les chiffres que vous avez cités sont éclairants. C’est un secteur qui s’est effondré en termes d’emploi, dont nous parlons aujourd’hui. S’il s’était agi d’un secteur d’industrie, d’usine, et cetera, on aurait parlé abondamment de ce drame social et en termes d’emploi qui se déroule depuis plusieurs années sous nos yeux. J’ai l’ambition, j’ai l’espoir, j’ai la volonté, j’ai la détermination pour, avec un certain nombre d’autres interlocuteurs, inverser la tendance. N’est-ce pas cela qu’on attend de moi ? N’est-ce pas cela qu’on attend de nous, chers collègues ?
En ce qui concerne les questions précises que vous m’adressez, Madame la Présidente, si je devais en oublier l’une ou l’autre, au détour d’un propos, n’hésitez pas à me rappeler sur le chemin de la réponse, si besoin en est.
En ce qui concerne plus particulièrement la PAC, on a effectivement, je me suis entretenu longuement avec M.Hogan lundi, le commissaire toujours actuel à l’agriculture, et aussi avant la rencontre avec M. Phil Hogan, avec son chef de cabinet que je connais bien par ailleurs, l’ayant déjà fréquenté au niveau fédéral lorsque j’exerçais la compétence, eux-mêmes étant déjà en charge du département européen.
À cet égard, effectivement, on s’oriente vers très vraisemblablement un report de la date d’entrée en vigueur de la prochaine PAC. On évoque le début de l’année 2022, une période de transition qui serait une période relativement longue, dans la mesure où effectivement on devrait prévoir, entre le dispositif entre la PAC actuelle et la PAC à venir, une période intermédiaire. Ce n’est pas le moindre des problèmes.
Deuxièmement, vous n’ignorez pas qu’est évoqué et quasiment fait le report de l’entrée en fonction de la Commission européenne dans, en tout cas, un mois.
Trois, l’environnement, en ce qui concerne le Brexit, est un environnement qui crée encore un peu plus d’instabilité concernant le cadre général décisionnel des futurs budgets et les futurs éléments majeurs du cadre financier pluriannuel et donc les éléments également de trajectoire concernant la PAC.
À propos de la PAC, nous avons été saisis, au Conseil AgriFish du 14 octobre, le même conseil en marge duquel j’avais rencontré M. Hogan, nous avons été saisis d’une proposition qui est une proposition de budget agricole, qui est une proposition émanant de la commission et de la présidence contre laquelle un certain nombre d’États membres, 17 au total, auxquels nous nous sommes joints, ont plaidé pour le maintien d’un budget ambitieux, d’un budget adéquat pour la PAC, ont bataillé contre, Madame Goffinet, la réduction du budget de la Politique agricole commune.
La présidence finlandaise a présenté un document révisé proposant pour la PAC les trois éléments structurants suivants :
– un, la liaison du budget alloué au premier pilier un niveau équivalent à la période actuelle en termes nominaux ;
– le maintien du budget alloué au second pilier à un niveau légèrement en dessous du niveau actuel, toujours en valeur
nominale. Ce dernier serait revalorisé par rapport à la proposition de la commission ;
– trois, la convergence externe serait nécessaire — je vais y revenir — et les discussions doivent se poursuivre sur la méthode pour établir la convergence externe.
Même si au niveau du budget européen globalement, par rapport à certaines perspectives antérieurement évoquées, cette proposition pourrait être considérée comme allant dans le bon sens, il faut être extrêmement vigilant par rapport à la poursuite de la convergence externe des aides directes de la PAC. Pour rappel, ces aides constituent 88 % du budget PAC en Wallonie.
Lors des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020, la Belgique avait déjà dû subir une baisse significative de son enveloppe des aides directes. Madame Goffinet, cela vous avait peut-être échappé dans votre lecture du passé. Je tiens à vous le rappeler.
Lors du dernier conseilAgrifish, la Belgique a rappelé que les nouvelles initiatives plaidant pour un renforcement de la convergence externe ne devaient absolument pas conduire à une nouvelle baisse et encore moins à une baisse disproportionnée de l’enveloppe de certains États membres, et à réitérer, chère Madame Goffinet, son opposition à un processus vers une convergence externe qui constitue une série table ligne rouge pour nous.
Bien que la discussion sur le cadre financier pluriannuel soit menée de façon coordonnée par le niveau fédéral, et donc en lien que les autres Régions, croyez bien que je resterai particulièrement vigilant quant aux décisions prises en la matière concernant la Belgique et concernant notre Région.
Concernant la méthode ou comment améliorer la situation du monde agricole, je compte m’appuyer notamment sur la nouveauté de la future réforme de la PAC, à savoir l’élaboration par les États membres de plans stratégiques couvrant la fois les paiements directs aux agriculteurs, le soutien développement rural et les programmes de soutien sectoriel. Ces plans stratégiques, bien évidemment concertés avec mes collègues du Gouvernement et ma collègue en charge du Développement rural, devront être validés par la Commission et il semble, sur papier, théoriquement, offrir davantage de simplification et de subsidiarité.
La Commission dit quoi faire, l’État membre détermine comment le faire. C’est la présentation à ce stade, soyons vigilants.
Comme nous le savons tous, l’agriculture wallonne ne repose pas sur un système unique, mais bien diversifié compte tenu des spécificités des différentes régions agricoles. Par conséquent, la Wallonie devra, après une analyse de type forces, faiblesses, opportunités et menaces et l’analyse des besoins, fixer les premières étapes du plan stratégique, mettre ensuite en place la déclinaison en mesure qui à la fois améliore l’image de l’agriculture, renforce le lien entre l’activité agricole et la protection de l’environnement et du climat, mais également soutient la résilience des pratiques agricoles, des agriculteurs face aux crises et aux chocs.
Notre approche consiste donc, à partir de l’élaboration du plan stratégique, à faire le constat de manière objective des différents éléments de réponse à apporter aux défis de l’agriculture wallonne et, avec l’aide de l’ensemble des représentants du monde agricole. J’ai déjà rencontré l’ensemble des organisations agricoles et les déclinaisons de celles-ci : organisations de jeunesse, organisations féminines, et cetera. J’étais par ailleurs présent au congrès de l’UMB, du MIC à Libramont. J’ai rencontré hier la FUGEA. Donc, j’ai eu l’occasion de voir l’ensemble des agriculteurs, en plus le CRA-W, mon administration et les différents intervenants. J’ai également rencontré l’APAQ-W et l’ensemble ou quasiment tous les interlocuteurs concernés. En ce qui concerne ce plan stratégique après l’analyse des besoins, des avantages, des faiblesses, et au plus tard pour la fin de cette année, mon objectif est d’avoir défini les grandes lignes, les grands éléments structurels de ce plan stratégique.
Il est aussi important de rappeler que bien que nous avancions sur le plan stratégique, la législation européenne sur ce dernier n’est pas encore arrêtée. Les discussions au niveau européen sont toujours en cours et de nombreux États membres ont réaffirmé, à raison, lors du dernier conseil, qu’aucun accord sur la réforme de la PAC, post 2020, ne peut être trouvé avant un accord sur le budget qui lui sera alloué. C’est assez légitime.
Au niveau européen, mais également aux niveaux belge et wallon, je défendrai évidemment les ambitions que je viens d’évoquer en ce qui concerne la PAC. Ces ambitions correspondent très exactement aux mandats que la Déclaration de politique régionale nous a confiés.
Je pense qu’il y a un élément très important, très simple, de bon sens, mais tellement évident qui est et qui doit constituer notre première priorité, il faut ramener du revenu agricole dans les exploitations. Notre agriculture est diverse bien évidemment, mais aujourd’hui la plupart des filières souffrent tout simplement d’une perte complète de rentabilité, eu égard à la chute des prix des valeurs et des productions, singulièrement dans le secteur de la viande, mais aussi dans d’autres secteurs, mais également bien sûr de l’évolution des coûts d’exploitation.
Deuxième point de réflexion, on va devoir travailler et stabiliser la réflexion concernant la définition du véritable agriculteur actif. La Belgique est, à cet égard, dans un groupe minoritaire d’États membres qui souhaite qu’une définition commune soit établie au niveau européen, définition de ce véritable agriculteur, alors que la Commission a tendance à renvoyer vers les États nationaux.
Vous avez également évoqué le nouveau système d’assurance production et/ou l’installation de nouveaux outils de gestion des risques pour réagir face aux crises, aux aléas climatiques ou d’autres natures. Le système d’assurance se place dans les mesures de gestion des risques qu’il est possible de mettre en place dans le cadre du deuxième pilier de la PAC. Le principe de prise en charge d’une partie de la prime par des fonds publics européens wallons est donc possible. Les autres questions doivent faire l’objet évidemment d’une analyse très approfondie, système sur base volontaire ou modèle globalisé à tous, quels sont les risques et l’ampleur des risques qui sont couverts, la coexistence avec d’autres fonds, avec le Fonds des calamités agricoles, et cetera.
A priori, le dispositif assurantiel le plus aisé à mettre en place concerne les perturbations climatiques. Dans ce cadre, de nouveaux types d’assurances, comme les assurances paramétriques sont en cours de développement.
En ce qui concerne la volonté qui est la mienne, mon souci serait effectivement de pouvoir élargir le dispositif, encore faut-il que, sur base d’un certain nombre d’études aujourd’hui disponibles, le dispositif puisse être mis en œuvre effectivement et susciter l’adhésion des bénéficiaires.
L’accompagnement des agriculteurs dans le développement et la transformation de leurs activités constitue également un axe fort de l’action que je compte déployer. Je souhaite aussi que la transmission de l’exploitation puisse être accompagnée des outils économiques wallons dont nous disposons, qui peuvent constituer un levier financier intéressant et mettre en œuvre des manières ou des encadrements originaux pour favoriser la transmission.
La Déclaration de politique régionale prévoit un soutien important aux coopératives susceptibles de valoriser les produits, d’en commercialiser dans la proximité une part significative et également de pouvoir ramener ainsi des valeurs en termes de transformation, de commercialisation, s’y ajoutent les aides régionales à la transformation, à la commercialisation des produits agricoles. Je souhaite aussi qu’avec les outils économiques dont nous disposons, une autre partie des outils économiques, on puisse ramener de la valeur ajoutée en soutenant la transformation, la valorisation, soit dans des types de valorisation aujourd’hui connues, mais non pratiquées en Wallonie, ou non pratiquées dans l’ampleur que l’on pourrait envisager, ou non encore explorées dans le cadre de la commercialisation de nos diverses productions.
Le dispositif ADISA et les aides, en ce compris les aides à l’installation, dont on connaît aujourd’hui la complexité administrative, devront également être revisités.
Le soutien au circuit, le soutien à l’APAQ-W et la clarification des rôles de chacun, entre le Collège des producteurs et l’APAQ-W, sont également à l’agenda de mes réflexions.
Comme le prévoit la Déclaration de politique régionale, nous allons soutenir la transition vers l’agroécologie, ainsi qu’un soutien accru au développement de l’agriculture biologique, étant entendu que je souhaite aussi veiller à ce que les filières qui permettent d’absorber la production biologique soient suffisamment structurées de manière à être soutenantes et de manière à éviter la chute des prix des productions biologiques qui viendrait alors impacter celles et ceux qui pourtant ont fait le choix de reconvertir leur exploitation ou leur production.
Les filières déficitaires me paraissent un sujet sur lequel il faut agir fortement. On sait que – je prends l’exemple du mouton – nous en consommons 100 % et nous n’en produisons que 13 % de notre consommation en Région wallonne. Assez naturellement, on peut se dire qu’il y a des filières qui méritent d’être explorées. Cela concerne aussi bien les productions, l’élevage, qu’un certain nombre de filières végétales.
Je pense qu’en ce qui concerne l’exportation des produits agroalimentaires wallons, comme nous sommes surproducteurs dans une série de filières, il est évident que nous devons continuer à occuper, à conquérir des marchés à l’international.
Si nous ne le faisons pas, nous handicapons nos propres réalités et, simplement, d’autres pays vont prendre l’espace que nous avons laissé vacant à
l’international, que ce soit dans la grande exportation ou dans l’exportation de proximité.
À cet égard, l’AWEX qui, avec la Région wallonne, a mis les productions agroalimentaires parmi ses premières priorités, réalise un travail intéressant.
J’ai aussi rencontré, de manière à optimaliser celui- ci. Soyons clairs, lorsque je parle de commerce international, lorsque je parle d’échange, c’est dans un cadre respectueux. Vous savez que j’ai réexprimé récemment mon opposition au Mercosur.
Je suis désolé. La réponse à votre question nécessiterait une heure d’exposé. Je vais donc être trop succinct, mais je vais conclure en indiquant à quel point je pense que sur chacun des points que je viens d’évoquer – soutien au niveau européen, actions wallonnes, valorisation des produits, plus grande transformation chez nous, ramener de la valeur ajoutée, transition vers la proximité, valorisation du métier, valorisation de nos productions, inscription dans l’HORECA de propositions de produits wallons, commercialisation avec les acteurs de la chaîne alimentaire, et cetera. Il y a des espaces d’action importants qui doivent être menés. Je pense que l’on n’a pas le droit d’être faibles, non ambitieux, peu déterminés par rapport à une situation comme celle-ci.
J’aurais le même raisonnement par rapport à n’importe quel autre secteur.
Je salue le travail mené par mes prédécesseurs, mais je constate aujourd’hui que le secteur est en grande souffrance et donc loin de moi l’idée de m’asseoir au bord du chemin et de dire : « On a déjà fait beaucoup de choses, ça va ». Au contraire, je dois bien mesurer la crise dans ce secteur et avoir une réponse qui est à la mesure e cette crise, Madame la Présidente.
Je suis à votre disposition pour détailler un certain nombre d’autres choses que je n’ai pas abordé.
Le plan Agriculture Énergie que je vais déposer dans quelques jours, avec une structuration de partenariats publics-privés en ce qui concerne l’investissement énergétique dans le secteur agricole, l’accord que je souhaite passer avec le secteur HORECA et l’agroalimentaire concernant la valorisation des produits, la clarification de ce que fait SOCOPRO et ce que fait l’APAQ-W et d’autres éléments encore. Ensuite, on a un peu d’ordre à mettre dans quelques procédures administratives au pour lesquelles il y a beaucoup de lourdeurs comme vous l’avez relevé.
La réplique d’Eddy
Je serai relativement bref puisque le débat est relativement complet. Je prends bonne note que M. le Ministre, comme nous tous autour de la table ici, nous sommes conscients que le secteur est en grande difficulté.
Pour vous connaître un peu, Monsieur le Ministre, le terme « capitulation » n’est pas vraiment un terme qui pourrait vous coller à la peau, car ce n’est pas du tout votre style.
Le maintien du budget ambitieux de l’APAQ-W, cela, vous en avez parlé. Il y a quelques points, mais on y reviendra ultérieurement, pour lesquels je n’ai pas eu de réponse, mais on en reparlera ou l’on redéposera une question.
J’ai noté aussi que, fin 2019, les grandes lignes de votre plan seraient déposées, en tous cas, seraient portées à notre connaissance.