Besoin d’une formation d’éducateur spécifique aux IPPJ
Les institutions publiques de protection de la jeunesse (IPPJ) se rejoignent toutes autour d’un objectif commun: accompagner les jeunes, les aider à rebondir, à se relancer, à se recadrer. Pour ce faire, ils sont accompagnés par des professionnels engagés et passionnés qui abattent un travail de titan. Parmi ces professionnels figurent les éducateurs, qui sont constamment au contact des jeunes, qui les encadrent et les suivent quotidiennement.
Cependant, le travail au sein d’une IPPJ comprend des spécificités propres à ce type d’institutions. Il s’avère difficile de trouver, par exemple, des personnes aptes à effectuer un remplacement au pied levé en cas d’absence ou de maladie d’un membre des équipes d’accompagnement. La crise sanitaire a encore exacerbé ce problème. Ce raisonnement peut être appliqué aux multiples situations auxquelles sont confrontés les éducateurs. Dès lors, une réflexion doit être engagée afin de mieux outiller les futurs éducateurs pour faire face aux réalités de terrain des IPPJ. Au sortir de ses études, un éducateur est doté d’une formation généraliste, alors que nous nous trouvons ici dans le cadre très spécifique de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse. Voici donc mes questions pour la ministre Glatigny sur ce sujet:
- Madame la Ministre, avez-vous déjà entamé une réflexion portant sur une formation des éducateurs spécifique au milieu des IPPJ, de l’aide à la jeunesse et de la protection de la jeunesse? Un module de formation supplémentaire ou optionnel pourrait-il être créé?
- Ces idées sont issues des visites de terrain que mes collègues et moi-même avons effectuées et des discussions que nous avons eues avec les directions de ces institutions. Ne pourrions-nous pas envisager une certification post-cursus pour les éducateurs souhaitant s’engager dans l’aide à la jeunesse, afin de garantir une connaissance adaptée aux réalités spécifiques à ce milieu?
- Disposez-vous de retours des IPPJ de la Fédération Wallonie-Bruxelles à ce propos? Quelles possibilités existent-elles au sein des établissements d’enseignement supérieur?
Réponse de la ministre
Un travail de réflexion est mené chaque année afin de déterminer, avec les direc- tions des IPPJ, les priorités relatives aux besoins de formation de leur personnel pluridisciplinaire, des équipes mobiles d’accompagnement (EMA), du Centre communautaire pour mineurs dessaisis (CCMD), des services d’aide à la jeunesse (SAJ), des services de la protection de la jeunesse (SPJ) et des services de préven- tion. Par ailleurs, l’article 1er, alinéa 14, du décret du 18 janvier 2018 portant le code de la prévention, de l’Aide à la jeunesse et de la protection de la Jeunesse indique que «la Communauté française garantit l’information ainsi que la formation à l’entrée en fonction et la formation continuée du personnel des services agréés et des services publics qui concourent à l’application du présent code». La formation de base et continuée permet aux intervenants de gérer la complexité de leur métier, de s’adapter aux problèmes rencontrés, de faire évoluer les pratiques et de contribuer à la qualité de leur cadre de travail.
En ce qui concerne spécifiquement les IPPJ, le gouvernement précédent a décidé d’opérer une réforme globale des projets éducatifs des IPPJ, laquelle a pris effet le 1er janvier 2022. Elle instaure notamment la notion de continuum éducatif, ainsi que trois types de prise en charge en IPPJ: l’évaluation et l’orientation; l’éducation; l’intermède. Dans ce cadre, diverses formations ont été prévues et constituent encore des priorités pour la formation au sein des IPPJ et des EMA.
Pour l’évaluation et l’orientation, un outil d’évaluation des risques de récidive, forces et facteurs de réceptivité (ERIFORE) a été mis au point avec la collabo- ration de l’Université de Liège (ULiège). Une formation relative à cet outil a été dispensée au personnel des unités concernées, ainsi qu’aux psychologues des EMA, qui réalisent également une mission d’évaluation ambulatoire. Le suivi de cette formation et la supervision des équipes sont toujours en cours.
Pour l’éducation, il existe une formation au suivi des projets de plan d’intervention réalisés au sein des unités d’évaluation et d’orientation. Ce plan détermine les objectifs que le jeune se donne en vue de concrétiser son projet de réinsertion et le projet a bien débuté. Par ailleurs, une formation aux outils d’intervention, centrée sur les forces et les ressources des jeunes, a démarré au mois de septembre 2021. Bien que planifiée initialement à partir d’avril 2020, elle a dû être reportée pour des raisons sanitaires.
Concernant l’intermède, une formation à la gestion de conflit et aux processus de médiation a débuté en décembre 2020 pour le personnel des unités concernées. Cette formation de longue durée arrivera à son terme au mois de mars 2022. En parallèle à ces formations qui accompagnent la réforme des projets éducatifs des IPPJ, d’autres formations sur des thèmes tels que l’abus sexuel, les assuétudes, les mineurs étrangers non accompagnés (MENA) ou encore la prévention du sui- cide sont régulièrement proposées aux membres du personnel des IPPJ et organisées en fonction des besoins.
Outre les formations programmées par mon administration, les agents ont la pos- sibilité de solliciter des formations particulières liées à leur pratique. Le décret du 18 janvier 2018 prévoit que «le Gouvernement détermine les moyens à attribuer aux institutions publiques leur permettant d’assurer leurs fonctions éducatives», ce qui inclut plus particulièrement les moyens pour organiser des formations. La réforme des projets éducatifs des IPPJ et les nouvelles missions confiées aux EMA engendrent des besoins supplémentaires, mais il convient de réaliser une évaluation globale des moyens à consacrer à la formation des intervenants du secteur de l’aide à la jeunesse. C’est ce qui sera fait prochainement en tenant compte de l’évaluation du décret en cours. Celle-ci comprend notamment les besoins expri- més par les intervenants du secteur. Je continuerai à porter une attention parti- culière à ces besoins, car j’ai la conviction que la formation de base et la formation continue sont un droit pour le personnel de tous les services de l’aide à la jeunesse. Il en va également du droit des jeunes d’être bien accompagnés.
Réplique du député Fontaine
Madame la Ministre, votre réponse me laisse quelque peu sur ma faim. Ma proposition, dont je rappelle qu’elle est issue d’entretiens avec des directions d’IPPJ, visait à aller plus loin en intégrant un module spéci- fique aux IPPJ dans la formation de base. La piste de la formation continuée est positive, mais elle ne résout pas le problème de manque de formation des éducateurs aux besoins spécifiques des IPPJ. C’est encore plus vrai pour les éducateurs qui effectuent un remplacement ponctuel dans ces lieux.
Nous pourrions mener une réflexion avec les directions des IPPJ et demander que le cursus des éducateurs soit adapté à leur potentiel lieu de travail. En effet, un éducateur fraîchement diplômé peut travailler dans un internat, dans une IPPJ ou dans une maison de jeunes alors que ces fonctions sont radicalement différentes.
Je ne manquerai pas de revenir vers vous avec de nouvelles informations qui vous serviront à mener le débat avec les directions de ces institutions.