Les perspectives de développement de l’intelligence artificielle en Wallonie
Monsieur le Ministre, en complément de la question de ma collègue, Mme Galant, je reviens sur le sujet. L’intelligence artificielle touche à la reconnaissance du langage, le raisonnement ou la perception. Ses applications sont nombreuses dans les domaines financiers, de la santé, de la mobilité, et cetera. Ses débouchés et les questionnements sont au cœur de son développement.
Les secrétaires d’État français chargés de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et du Numérique ont regroupé 500 chercheurs, chefs d’entreprises et parlementaires pour travailler sur ce sujet et définir une stratégie de mise en valeur et de développement de la filière de l’intelligence artificielle.
Cette opération, dénommée « France IA », a remis ses conclusions en mars au Gouvernement français. On peut d’ailleurs le découvrir sur une plateforme.Les buts en sont la cartographie de l’intelligence artificielle, le soutien à des projets de recherche et à la facilitation de leurs applications industrielles. La formation et le débat publics sont aussi abordés.Au final, 59 recommandations sont déposées. L’enjeu en est notamment la rencontre entre les mondes académiques et industriels via, par exemple, la création d’un centre interdisciplinaire pour l’intelligence artificielle.
Au-delà des réflexions éthiques et sociales du sujet, le risque de dépendance économique aux grandes entreprises américaines est bien réel. Il est utile de partager, au niveau européen, les différentes stratégies nationales ou régionales.
La Wallonie n’est certes pas en reste, on peut citer les plateformes ICT, Innovatech et le CETIC. Quels contacts sont-ils envisagés avec la France concernant le rapport de synthèse sur l’Intelligence artificielle? Comment analyser les recommandations françaises ? Certaines pourraient-elles inspirer nos institutions et industries, voire faire l’objet de collaborations bilatérales ? Où en est-on à l’échelle régionale sur ce thème et ses applications industrielles ?
La réponse du Ministre
Madame et Monsieur les députés, l’intelligence artificielle présente de multiples opportunités à saisir pour la réindustrialisation, la compétitivité future de l’industrie et le développement de nouvelles activités économiques. C’est la raison pour laquelle les pouvoirs publics soutiennent l’innovation dans ce secteur.Le projet RAGI s’inscrit dans ce cadre : il vise le développement d’un système de reconnaissance, d’accueil et de guidance intelligent d’un bâtiment. Il fait l’objet d’un financement public sous la forme d’une subvention pour un montant de 900 000 euros.
Le projet ambitionne de mettre au point un prototype qui présentera plusieurs innovations majeures :
- une capacité de reconnaissance et de localisation des personnes en temps réel à partir des informations collectées par un ensemble de capteurs hétérogènes tels des caméras, des micros directionnels ou encore, des capteurs de mouvement. La mise au point de ce système fera appel aux techniques de traitement de signaux et d’apprentissage automatique développées par les équipes de recherche de l’Institut Montefiore, qui seront adaptées pour pouvoir fusionner les différents flux de données captés en temps réel ;
- une capacité d’interagir de diverses façons avec les utilisateurs en faisant appel à un système composé d’interfaces de natures complémentaires comme des écrans vidéo, des haut-parleurs ou encore, des robots. Un logiciel de contrôle intelligent sera conçu afin de définir à tout moment les tâches à accomplir par RAGI en fonction des signaux captés et des demandes des utilisateurs. Ce logiciel sera conçu de manière ouverte afin de permettre l’intégration des fonctionnalités d’interaction permises par les différents types de robots. Il disposera également d’une capacité d’apprentissage automatique afin de permettre à sa logique de décision et d’interaction de s’améliorer et de s’adapter progressivement à des situations de plus en plus complexes.
Au-delà de ces deux fonctionnalités, le développement de RAGI conduira naturellement à des innovations plus spécifiques au niveau de l’apprentissage automatique, du contrôle en temps réel, de la navigation autonome des robots ou encore du traitement automatique de la parole.
Je tiens à rappeler que tous les projets de recherche présentant un intérêt pour le développement d’activités économiques en Wallonie et la création d’emplois qui en découlent peuvent faire l’objet d’une aide à l’innovation, dans le respect des règles en vigueur.
Il y a d’autres exemples de projets financés dans le domaine de l’intelligence artificielle, comme le projet TRICARE. Il s’agit d’un dossier CWALity déposé en 2015 par la société ANB et le centre de recherche CETIC. ANB est une entreprise qui développe ses propres systèmes de surveillance et de sécurité. L’objet du projet est de développer un prototype permettant de surveiller les activités des personnes âgées et de prévenir leur entourage en cas de problème potentiel. Ce dossier a fait l’objet d’un financement public à hauteur de 280 000 euros.
La discipline de robotique intelligente dans laquelle s’inscrivent les robots humanoïdes et le projet RAGI ne représentent qu’une des nombreuses disciplines de l’intelligence artificielle. On pourrait en citer d’autres, telles que la compréhension du langage naturel, qui comprend notamment le traitement automatique de la parole, du geste ou de l’écriture manuscrite ou encore les systèmes experts et d’ordonnancement automatique qui comprennent tous les outils participant à la gestion optimisée des systèmes complexes tels que la planification de la production, la maintenance prédictive ou encore, la gestion énergétique des bâtiments.
L’intelligence artificielle, ce sont aussi les robots qui assistent les hommes dans leurs taches sur des chaînes de montage ou dans des environnements délicats de température ou de pression. Il n’y a donc pas que des machines indépendantes qui pourraient être capables de générer leur propre apprentissage. Plusieurs développements industriels en Wallonie ont, par l’ajout d’automatisation et de robotisation, permis à des entreprises d’augmenter leur part de marché et de créer de nombreux emplois.
Concernant le rapport « France intelligence Artificielle » auquel vous faites référence, celui-ci contient plusieurs recommandations qui ne sont pas inconnues et qui sont, pour la plupart, déjà mises en œuvre chez nous. Le rôle de la Wallonie n’est pas d’entrer en contact avec la France suite à la publication de ce rapport. Mon rôle, c’est de mettre à la disposition du tissu industriel tous les outils leur permettant d’innover dans ce secteur. Depuis le début de plan Marshall, c’est ce que nous faisons.
Je rappelle à cet égard que l’intelligence artificielle fait partie de l’axe transversal de la politique industrielle wallonne et de la stratégie de spécialisation intelligente. Ce n’est pas un hasard si l’actuel plan Marshall a été baptisé 4.0 : c’est la reconnaissance même de l’intérêt que je porte au secteur du numérique, qu’il convient de considérer comme un véritable moteur et amplificateur de développement économique.
De nombreuses initiatives ont déjà été entreprises pour dynamiser ce secteur, comme les assises du Numérique, la mise en place du conseil du Numérique, le plan Numérique, la mise en place du Digital Wallonia hub, le lancement du fonds d’investissement WING ou encore, et c’est un travail de tous les jours, le financement de projets de recherche dans le secteur du numérique, dont le big data.
Il a été porté à mon attention, dans ce cadre, que plusieurs sociétés wallonnes ont sollicité, en 2017, des demandes de financements importants pour des projets relatifs à l’intelligence artificielle dans les domaines de la médecine personnalisée, de la maintenance prédictive et de la planification optimisée de production. De nombreux industriels sont à la manœuvre pour innover et surprendre dans ces domaines. Ces dossiers sont en cours de préparation. Ils démontrent en tout cas que la question que vous posez de la robotique intelligente est considérée, par de nombreuses entreprises comme un vecteur de développement économique qui mérite toute notre attention.
Monsieur le Ministre, merci pour ce brossage rapide de tout ce qui est fait en Wallonie. Force est de constater que nous sommes loin d’être en retard par rapport à nos amis français. Effectivement, avec leurs 59 recommandations, il y en a quelques-unes que l’on aurait peut-être oubliées, mais nous sommes visiblement bien à la pointe et c’est très positif.
Pour rejoindre les propos de Mme Galant, il faut veiller à ce que l’enseignement et la formation suivent pour que l’on ne soit pas à la traîne ou que nos chercheurs ou nos têtes s’en aillent vers l’extérieur.
C’est un sujet très vaste ; nous aurons certainement l’occasion d’y revenir assez souvent.